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Retour sur événement : Batterie, un secteur en pleine transformation

01 octobre 2025 Batterie
Publié par Zaher CHEHADE
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La sixième réunion du groupe de travail Batteries, organisé par Tenerrdis le 23 septembre 2025 à Grenoble, a permis de faire le point sur les transformations majeures du secteur. Réglementation européenne, éco-conception et assurance ont été au cœur des échanges, témoignant des enjeux stratégiques auxquels la filière doit faire face

Cette réunion était co-animée avec nos membres Upergy, Addev materials, In Extenso & Howden group.

Un règlement européen qui redessine le marché

Contexte

 

Depuis le 18 août 2025, le règlement (UE) 2023/1542 est devenu la référence unique en matière de batteries. Il remplace la directive 2006/66/CE qui a été abrogée définitivement et introduit des exigences rigoureuses en matière d’éco-conception, de transparence des données, de traçabilité des composants, de collecte et de recyclage.

 

L’ambition de cette transition législative est d’assurer une meilleure récupération des ressources critiques, limiter la dépendance aux importations de matière première et renforcer la circularité.

Source : Ademe

Nouvelle catégorisation des batteries avec une refonte des éco-organismes

 

La réforme redéfinit les catégories de batteries qui passent de trois à cinq catégories :

  • Batteries portables (rechargeables/non-rechargeables < 5kg)
  • Batteries Moyens Transport Légers (MTL, 0-25 kg)
  • Batteries industrielles (INDUS)
  • Batteries Véhicules Electriques (VE, > 25kg)
  • Batteries Démarrage / Eclairage / Allumage (SLI)

Le nouveau règlement impose à tous les producteurs (fabricants, importateurs, distributeurs, vendeurs étrangers, opérateurs de la seconde vie) de déposer une demande d’autorisation REP (Responsabilité élargie du producteur) aux pouvoirs publics et d’adhérer à un éco-organisme agréé. Trois structures ont été agréées le 18 août 2025 et jusqu’en 2030 :

  • Ecosystem qui absorbe Corépile et couvre désormais les 5 catégories des batteries ainsi que les équipements électriques et électroniques (EEE)
  • Batribox (ex-Screlec) qui prendra en charge les 5 catégories des batteries
  • Recycler mon véhicule qui prendra en charge uniquement la catégorie des Véhicules Electriques (VE).

Une éco-participation pour les batteries doit être versée à l’un de ces éco-organismes. C’est une redevance versée par les producteurs pour financer la collecte, le traitement et le recyclage des déchets des batteries. Elle est calculée en €/kg ou en €/unité. Pour les entreprises, l’impact financier de cette éco-participation est loin d’être anodin : elle peut représenter entre 1 et 1,5 % du chiffre d’affaires, allant jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros par an.

 

Une "guerre tarifaire" oppose aujourd’hui les différents éco-organismes. Face à cette situation, certaines sociétés pourraient choisir une stratégie pragmatique : adhérer aux deux organismes et sélectionner au cas par cas les barèmes les plus avantageux en fonction des types de batteries mises sur le marché. Cette concurrence s’explique en partie par le statut privé des éco-organismes, qui se disputent désormais un champ de compétences élargi par la nouvelle réglementation.

 

Seconde vie, passeport batterie et sécurité

 

La seconde vie des batteries est également abordée par le texte avec comme objectif d’encadrer le réemploi, la réaffectation, et le remanufacturage des batteries en fin de vie. Le règlement prévoit l’incorporation progressive de métaux recyclés dans la fabrication des nouvelles batteries (2% de tonnes collectées en 2027 et 5% en 2030). Les batteries seront considérées comme des déchets mais aussi comme des ressources. D’après RDC Environnement (2023), à l’horizon 2040, le gisement de batteries de seconde vie issues de la mobilité pourrait atteindre 45 kt en France et 300-350 kt en Europe.

 

À partir du 18 août 2025, toutes les batteries mises sur le marché devront porter le marquage CE, gage de conformité aux normes européennes en matière de sécurité, de santé et d’environnement. Cette obligation sera renforcée le 18 février 2027, date à laquelle les batteries de véhicules électriques, de transports légers et les batteries industrielles d’une capacité supérieure à 2 kWh devront obligatoirement être dotées d’un passeport numérique.

 

Ce passeport prendra la forme d’un QR code unique relié à une base de données électronique. Il devra contenir des informations précises sur le fabricant et sur le modèle de batterie, notamment sa chimie, sa capacité et le site de production. Il indiquera également l’empreinte carbone exprimée en kilogrammes de CO₂ équivalent par kilowattheure d’énergie fournie, détaillée par phase du cycle de vie, ainsi que la durée de vie estimée de la batterie. Le document devra intégrer le numéro d’identification de la déclaration de conformité européenne, un lien permettant d’accéder à l’étude environnementale complète, ainsi que la mention des substances dangereuses éventuellement présentes et des risques de sécurité associés.

 

En matière de substances dangereuses, le règlement européen fixe désormais des seuils particulièrement stricts pour limiter la présence de métaux lourds dans les batteries. La teneur en mercure ne doit pas dépasser 0,0005 % en masse, celle en cadmium 0,002 %, tandis que le plomb est limité à 0,01 % dans les batteries portables depuis le 18 août 2024. D’ici 2027, la Commission européenne remettra au Parlement et au Conseil un rapport destiné à évaluer la possibilité d’étendre ces restrictions à d’autres substances jugées nocives pour la santé ou faisant obstacle à un recyclage sûr et à la production de matières premières secondaires de qualité.

L'éco-conception comme levier incontournable

Face à cette réglementation exigeante, l’éco-conception et l’analyse de cycle de vie (ACV) apparaissent comme des enjeux clés pour concilier performance industrielle et durabilité. Plusieurs acteurs ont partagé leurs expériences :

  • Upergy développe des systèmes pour faciliter le démantèlement des batteries et permettre leurs réutilisation (selon Batribox, près de 68 % des cellules en fin de vie sont encore opérationnelles). L’entreprise a également lancé des ACV sur trois catégories de produits (alcalines, plomb, lithium-ion).
  • Addev Materials a présenté son outil LEA (Life cycle Evaluation by Addev), qui permet une évaluation simplifiée des impacts carbone tout au long du cycle de vie d’un produit : production des matériaux, transport, transformation, fin de vie.
  • In Extenso de son côté insiste sur la dimension méthodologique et stratégique de l’éco-conception. Le cabinet a rappelé que l’ACV est une démarche normalisée (ISO 14040-44) qui couvre l’ensemble du cycle de vie, de l’extraction des matières premières jusqu’au recyclage. L’intérêt n’est pas seulement de mesurer les impacts mais d’identifier les principaux contributeurs environnementaux (matières critiques comme le cobalt ou le lithium, mix électriques des pays de production, procédés énergivores, etc.).

 

L’approche préconisée par In Extenso est progressive et itérative :

  • Commencer par une ACV simplifiée pour orienter les analyses et cibler les leviers majeurs
  • ACV pour une communication externe limitée : collecter les données actuelles, analyser les principaux contributeurs, identifier les pistes d’écoconception (changement de matériaux, relocalisation de fournisseurs, modification d’architectures de batteries)
  • ACV pour une communication comparative externe : retravailler la conception de la batterie et évaluer les impacts du scénario final

 

L’ACV peut jouer un rôle important dans la communication externe : les entreprises peuvent l’utiliser comme un outil de transparence et de différenciation, à condition de respecter les niveaux de revue critique exigés pour une diffusion large.

 

Enfin, l’éco-conception est aussi une réponse à des enjeux très concrets de sécurité et de gestion des déchets. En rendant les batteries plus facilement démontables et recyclables, la filière limite les accidents liés aux déchets (incendies dans les centres de tri, batteries intégrées dans des équipements non identifiés, etc.).

Assurance : une filière en tension

Depuis 2023, les assurances deviennent très réticentes à assurer les sociétés du secteur de la batterie, notamment en raison du potentiel incendie. Les primes connaissent des hausses spectaculaires (jusqu’à un facteur x5 au Royaume-Uni) tandis que les garanties se réduisent.

 

Le problème est accentué par la réglementation UCPE, qui abaisse à 6 tonnes le seuil de déclaration pour le stockage de batteries lithium. Les assureurs considèrent ces installations comme particulièrement risquées, alors que les conséquences d’un sinistre sont souvent lourdes : dommages aux biens, arrêt d’activité, perte de données, dommages corporels, rappel de produits & risques de réputation, impact sur l’environnement.


Pour regagner la confiance des assureurs, les acteurs de la filière doivent renforcer leurs mesures de prévention : localiser et identifier les batteries, sensibiliser, former le personnel à la prévention incendie, formaliser un plan de coordination et d’intervention d’urgence avec les pompiers, surveillance incendie. Il semble qu’il y ait une volonté de la filière pour réfléchir à mettre en place son propre système d’assurance accompagné de normes de sécurité à respecter pour limiter les risques.

Un avenir à construire entre contraintes et opportunités

Ce groupe de travail Batterie a mis en évidence à quel point la filière des batteries traverse une période de transformation profonde. Le nouveau cadre réglementaire européen impose des exigences strictes qui redéfinissent les responsabilités des producteurs, tout en accélérant la transition vers une économie plus circulaire et transparente.

 

En parallèle, l’éco-conception et l’analyse de cycle de vie s’imposent comme des leviers incontournables pour innover, optimiser la performance environnementale et répondre aux attentes croissantes du marché.

 

Enfin, la question de l’assurance rappelle que la compétitivité de la filière ne dépend pas uniquement des avancées technologiques, mais aussi de la capacité des acteurs à démontrer la maîtrise des risques et à instaurer un climat de confiance avec les assureurs et les pouvoirs publics.

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